Quatre maisons sont visées sur Arradon. Nous prenons un seul exemple pour la clarté de la présentation.
Par arrêté du 25 septembre 1909, le Préfet du Morbihan autorisa M. A à édifier un terre-plein sur le DPM afin d’y établir une rampe d’accès de quatre mètres sur quatre permettant d’embarquer vers l’Ile d’IRUS.
Par arrêté du 25 août 1911, le Préfet du Morbihan autorisa M. A à procéder à l’agrandissement du dit terre-plein à la condition que celui-ci reste accessible en tout temps au public. L’arrêté précise :
« En cas de révocation, le permissionnaire devra…faire rétablir les lieux dans leur état primitif… »
Le 2 mai 1921, M.A vendit la propriété de l’île d’Irus à M.S « sous la condition expresse que ce terre-plein soit accessible au public…. ».
Par arrêté du 3 février 1938, le Préfet délivra une autorisation d’occupation du terre-plein pour cinq ans avec cette précision : « il sera réservé sur toute sa longueur une bande pour la circulation publique ».
A noter que le passage existe, non entretenu et pour cause ; car il mène à une impasse dangereuse et n’est pas prolongé par un sentier côtier, inexistant à cet endroit.
Par une série d’arrêtés, notamment émis les 6 juin 1951, 29 mars 1967, 21 décembre 1977, 27 août 1984 et 10 juillet 1986, le préfet du Morbihan autorisa l’occupation du terre-plein litigieux moyennant paiement d’une redevance… Les arrêtés précisaient que « l’administration se réserve la faculté de modifier ou de retirer l’autorisation si elle le jugeait utile…et faire rétablir les lieux dans leur état primitif… sinon il y serait pourvu, par l’administration, d’office aux frais du permissionnaire ».
« …ce n’est qu’en 1967 que l’administration a découvert l’existence d’une maison illégalement construite… » (La question de l’existence ou non d’une maison en 1945 reste à expertiser, vu les déclarations contradictoires de la famille et de l’Administration).
Le 15 mars 1993, les occupants sollicitent le renouvellement de la convention d’occupation. Le préfet refusa le renouvellement en septembre 1993 (en application de la loi littoral) et indiqua être prêt à étudier à titre exceptionnel une autorisation limitée comportant notamment une autorisation strictement personnelle d’utilisation interdisant toute cession ou transmission du terrain et de la maison… »
Proposition rejetée par les occupants.
Le 5 mai 1994, saisine du tribunal administratif de Rennes par les occupants.
Le tribunal administratif de RENNES donne raison au préfet le 20 mars 1997.
« (…) la maison d’habitation dont il s’agit a été irrégulièrement édifiée sur le domaine public maritime ; qu’en conséquence, le préfet est fondé à demander la condamnation de Mme B. à une amende et à la mise du rivage de la mer dans son état antérieur à l’édification dudit ouvrage (…) ».
Les occupants de la maison contestent la décision du tribunal administratif auprès de la cour administrative d’appel de Nantes le 11 juillet 1997, laquelle cour donne de nouveau raison au préfet le 8 décembre 1999.
Le 21 février 2000, les requérantes se pourvurent en Conseil d’État contre l’arrêt du 8 décembre 1999.
« Par un arrêt rendu le 6 mars 2002, le Conseil d’État rejeta le pourvoi des requérantes. Il jugea qu’elles ne pouvaient se prévaloir d’aucun droit réel sur la parcelle litigieuse et sur les immeubles qui y avaient été édifiés ».
Le 4 septembre 2002 les requérantes saisissent la cour européenne des droits de l’homme. Dans son arrêt du 29 mars 2010, la cour européenne conforte la position de l’État sur ce dossier.
« les requérantes savaient depuis toujours que les autorisations étaient précaires et révocables et la CEDH considère, dès lors, que les autorités ne sauraient passer pour avoir contribué à entretenir l’incertitude sur la situation juridique du bien ».
Le refus de l’État s’inscrit dans un « souci d’application cohérente et plus rigoureuse de la loi, au regard de la nécessité croissante de protéger le littoral et son usage par le public, mais aussi de faire respecter les règles d’urbanisme ».
En conséquence, le préfet a demandé, début 2011, aux occupants actuels de quitter la maison à l’automne 2011 et de remettre les lieux en l’état d’origine…ce qu’ils refusent.
Pendant tout l’été 2011 une campagne médiatique intense a été menée par les journaux Ouest France et le Télégramme. TF1 a aussi parlé de cette affaire. La plupart des articles, comme l’émission de TF1 s’appuyaient sur les déclarations des occupants des maisons, et donnaient peu la parole aux défenseurs du littoral. A noter également pendant cette période les positions étonnantes de certains élus vis-à-vis d’une décision de justice.
Le 6 décembre 2011, le Préfet du Morbihan a reçu les occupants des maisons pour les informer de sa décision (en accord avec le Ministère de l’Écologie). Le plus âgé des occupants et seul habitant permanent pourra vivre dans la maison qu’il occupe jusqu’à sa mort. Pour les trois autres maisons dont celle de Pen er men, le Préfet a décidé d’accorder aux occupants actuels une AOT (autorisation d’occupation temporaire) de 10 ans non renouvelable, non transmissible et non cessible.
EN CONCLUSION :
La maison de PEN ER MEN n’a jamais bénéficié de la moindre autorisation de construire et sa date de construction est inconnue. Elle est en infraction avec les règles d’occupation du Domaine Public Maritime (DPM). Elle n’a aucune existence légale…
Les occupants successifs du DPM depuis 1909 savaient que « l’administration se réserve la faculté de modifier ou de retirer l’autorisation si elle le jugeait utile, pour quelque cause que ce soit, sans que le permissionnaire puisse réclamer, pour ce fait, aucune indemnité ou dédommagement. Il devra, s’il en est requis, faire rétablir les lieux dans leur état primitif… S’il ne remplissait pas cette obligation, il y serait pourvu, par l’administration, d’office à ses frais ». Ceci n’a pas cessé de leur être rappelé régulièrement par les préfets (1909, 1911, 1921, 1951, 1967, 1977, 1984).
En 2010, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a donné raison à l’État français. Elle conforte les décisions des juridictions administratives françaises.
Le 6 décembre 2011, le Préfet a communiqué sa décision finale. Il accorde un sursis aux occupants actuels (« raison d’affectivité ») mais les maisons devront être détruites. Le Préfet rappelle « que nous sommes dans un État de droit et que les décisions de justice doivent être respectées ».
Source : Arrêt de la cour européenne des droits de l’homme du 29 avril 2010 et divers documents consultables sur le site de la cour européenne des droits de l’homme.